Qu’est ce qu’un Porte-Bonheur?

On aurait envie de répondre directement en disant quelque chose qui apporte le bonheur. Mais à y regarder de plus près, on constate qu’un porte-bonheur exprime bien plus que cela.
Tout d’abord, il est bon de noter que le porte-bonheur, c’est un peu de la superstition douce au même titre que l’on parle de médecine douce. Si elle est anodine et ne porte pas à conséquence, elle bénéficie néanmoins de l’indulgence de la majorité d’entre nous, par ailleurs prompt à condamner l’idée même de superstition.
Une anecdote résume assez bien notre état d’esprit au sujet des porte-bonheur. Un jour, un visiteur s’étonna de voir un fer à cheval cloué sur la porte d’un célèbre scientifique et lui dit :
“Je n’aurais jamais pensé qu’un homme comme vous puisse croire à une telle superstition.” Le scientifique répondit : “Oh ! Je n’y crois pas, mais on m’a dit que le fer à cheval porte-bonheur, que l’on y croie ou pas.”

En résumé, on ne voit pas pourquoi ça fonctionnerait, mais on ne trouve pas non plus de bonne raison pour se priver de cette éventuelle chance. Car c’est bien de chance qu’il s’agit, et non de bonheur. Autrefois, on utilisait aussi l’expression “porte-veine”. Et avoir de la veine c’est, à l’origine, avoir de la chance.
Afin de comprendre leur sens et leur nature, les porte-bonheur pourraient être classés par :

Fonction

  • Ceux qui garantissent la chance (au jeu, en amour, au combat),
  • Ceux qui guérissent (des maux physiques ou psychiques),
  • Ceux qui protègent, notamment du mauvais œil,
  • Enfin ceux qui éclairent l’avenir pour permettre de mieux le maîtriser.

Origine

  • Animale, végétale, minérale ou humaine,
  • Naturels ou fabriqués,
  • Conçus à dessein ou détournés de leur usage premier,
  • Universels ou d’usage localisé.

Mais nous tenterons une autre approche. Car en ce XXIème siècle technologique où l’on touche encore du bois, la question que l’on se pose raisonnablement est la suivante : comment ça marche?

Les Signes du Ciel comme Porte-Bonheur

Certains porte-bonheur portent chance à condition d’avoir eu la chance de tomber sur eux. Ils obéissent à une superstition largement répandue appelée la loi des séries.
Et selon cette loi, un malheur ou un bonheur n’arrive jamais seul. Ainsi, on espère d’eux qu’ils soient le premier maillon d’une succession d’heureux événements.
C’est par exemple le cas :

  • de la coccinelle, bête du bon Dieu, qui a choisi sur quelle main se poser. Les pauses qu’elles prennent un instant sur la main d’une personne font alors figure d’oracle. On se sent comme touché par la grâce. On compte ses points noirs et on observe la direction de son envol comme des signes des – bonheurs qui nous attendent. C’est particulièrement le cas dans le domaine de l’Amour.
  • du trèfle à 4 feuilles ou quand l’impossible se révèle soudain à portée de cueillette. On se sent alors investi d’un pouvoir particulier que l’on attribue à cette anomalie de la nature. Pour être un porte-bonheur, le vrai trèfle à 4 feuilles doit donc être trouvé par hasard. C’est un signe du ciel.
  • de la fève. Oui celle que l’on trouve dans les galettes des rois. Cette coutume ancestrale consistant à élire comme roi, le 6 janvier, celui des convives qui aura trouvé une fève dans sa part de galette est un signe de chance. On tombe sur elle par hasard, et elle  donne le pouvoir (celui du roi).

Ces signes du ciel donnent l’illusion à une personne qu’elle a été, en quelque sorte, élue. Elle est alors rendue plus forte par cette distinction céleste et a l’impression d’avoir quelque chose en plus que les autres n’ont pas. Sa confiance étant accrue par ce signe du destin, la personne élue sera mieux disposée à surmonter des obstacles qui, sinon, lui auraient paru plus difficiles. 

Ces Porte-Bonheur, Véritable Petits Trésors

D’autres porte-bonheur tireront leur valeur de leur seule rareté, et non des circonstances hasardeuses de leur découverte.
C’est particulièrement le cas de l’edelweiss, de certaines pierres précieuses, de la corde de pendu ou encore de la corne de licorne.

  • L’Edelweiss, ou l’étoile des neiges éternelles.
    Espèce rare et protégée, l’edelweiss est, à l’origine, un porte-bonheur très localisé dans les Alpes et les Pyrénées. Son nom, d’origine allemande, signifie “noble blancheur” et à contribuer à étendre sa réputation bien au-delà de ces zones géographiques. Celle qu’on appelle également étoile d’argent est un porte-bonheur plus puissant encore quand il récompense les efforts alpins du bénéficiaire lui-même.
  • La Licorne et le mythe de la pureté.
    La corne de licorne a d’autant plus de valeur qu’elle provient d’un animal mythique. Il s’agit d’un symbole de pureté ultime commun à des civilisations très différentes. Un animal féminin à la blancheur parfaite et dont le front est pourvu d’un symbole phallique. Un porte-bonheur que l’on associe au pouvoir purificateur et protecteur.
  • La Corde du Pendu afin de tenir les rênes du destin.
    De manière générale, on considère qu’un simple bout de ficelle conservé dans un sac à main est un porte-bonheur. Et aussi bizarre que cela puisse paraître, la plus réputée des cordes porte-bonheur est celle du pendu. En effet, elle se négociait autrefois à prix d’or. Mais pourquoi  donc ? Et bien on lui attribue plein de vertus.
    Elle protège des sorts et de tous les dangers, garantit le gain au jeu et la réussite en affaires, guérit des maux de têtes, de dents et de gorge…

Ainsi, posséder quelque chose d’exceptionnel, c’est être soi-même un peu exceptionnel. Voilà qui rassure au même titre que l’élection divine. 

Les Symboles Abstraits Porte-Bonheur

La plupart des porte-bonheur sont réputés avoir du pouvoir parce qu’ils évoquent une entité qui possède ce pouvoir.
C’est le cas des amulettes liées à une divinité, comme par exemple la main de Fatma, l’œil d’Horus, la lune, le scarabée solaire, etc.
D’ailleurs, l’origine étymologique du mot symbole prend ici tout son sens puisqu’il veut dire “joindre”, et désigne un objet partagé en deux parties. Et chaque partie est possédée par un individu ce qui leur permet, une fois les deux moitiés jointes, de se reconnaître.
Le symbole est donc une sorte de mot de passe abstrait qui réunit les membres d’une communauté. Ces porte-bonheur sont un lien tissé entre l’homme et la divinité sous la protection de laquelle il se place. En fait, un mot de passe entre lui et elle.
On pourrait classer dans une autre catégorie les symboles abstraits, fort nombreux, qui constituent un autre type de porte-bonheur comme les croix, les clés ou encore les nœuds. Mais aussi les animaux pour la notion qu’ils évoquent :

  • le cochon pour l’abondance,
  • le dragon pour la fécondité,
  • la tortue pour l’immortalité.

Il semblerait que l’on ait trouvé ces amulettes puissantes car elles donnaient le pouvoir d’agir, ne serait-ce que symboliquement, sur ce qui nous est imposé par le destin.
Le meilleur exemple est le nœud, commun à de nombreuses civilisations, mais particulièrement présent en Egypte. En effet, les Egyptiens considéraient la vie comme une sorte d’être autonome capable de s’échapper du corps sans cause apparente. Et donc, ils multipliaient les talismans en forme de liens noués dans le but de rattacher la vie aux points essentiels de l’organisme que sont le cou, les poignets, les chevilles.
Dans le même ordre d’idée des symboles abstraits on notera la formule de politesse que l’on adresse à quelqu’un qui vient d’éternuer : « À vos souhaits”. Cela participe de cette même angoisse et du même besoin de se rassurer par un rituel superstitieux.
En fin de compte, on voit bien que les symboles porte-bonheur sont avant tout une prise d’initiative face à une fatalité réelle ou supposée qui nous écrase. Il s’agit, en fait, de ne surtout pas rester inactif.

Les Trophées Porte-Bonheur

Ils sont symboliques, eux aussi, et, en outre, métonymiques, c’est-à-dire que la partie évoque le tout. De plus, s’ils semblent dotés de pouvoirs magiques. C’est aussi parce qu’ils sont constitués d’un matériau qui a été vivant. Un animal que l’homme a vaincu.
Il s’agit des griffes de tigre, des pattes d’ours, de taupe ou bien de lapin. Mais aussi des dents de loup ou de requin, des peaux de chat, des carapaces de tortues et des mues de serpent.
Partout dans le monde, et de tout temps, l’individu a cru que, en tuant son adversaire, non seulement il réduisait sa force à néant, mais qu’en plus, il se l’appropriait.
Le vainqueur d’un animal féroce gagne un respect proportionnel à la difficulté du combat, et par là même à la force de l’animal.
La possession d’un trophée pouvait également signifier le triomphe de la raison sur les forces du Mal, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’homme. Cela est d’autant plus marqué que les animaux fétiches suscitent souvent un sentiment négatif, voire ont une allure répugnante (reptiles, insectes …).
Si l’on considère que le porte-bonheur permet de prendre en main ses propres peurs ou ses pulsions, il devient, dès lors, un moyen de forcer les “lois du destin” à s’inverser pour le maîtriser. 

De nos jours, deux trophées porte-bonheur se sont imposés dans le domaine des bijoux. Il s’agit de la dent de requin et de la griffe de tigre. Cela à la fois pour le design et la symbolique pleines de forces qu’ils représentent.
De manière générale, on attribue aux dents des vertus magiques. Dans le cas du requin, elles représentent sa force vitale. En effet, c’est par ce biais que toute sa  férocité et voracité s’expriment.
Au même titre que la griffe de tigre dont l’extrémité pointue symbolise toute la puissance de l’animal et est réputée rendre son porteur aussi courageux que le fauve.

Les Amulettes Protectrices, une sorte de Carte d’Identité

Enfin, on peut regrouper les amulettes personnalisées, souvent composites, confectionnées par le bénéficiaire lui-même ou par un initié. Cela peut, par exemple, se faire à partir de tables de correspondances entre le signe astrologique, la couleur, le parfum, la plante, la gemme, l’ange ou le saint qui lui sont associés.
Les pierres de naissance sont par exemple extrêmement populaires pour exprimer l’appartenance un groupe de personnes aux caractéristiques communes car adeptes du même signe astral. Mais on peut aller plus loin en distinguant non pas un groupe similaire mais un individu en tant que tel.
Les gris-gris africains sont réalisés ainsi, suivant une recette adaptée à chaque personne. C’est également le cas des attrape-rêves des Indiens d’Amérique qui sont constitués d’une armature de base avec filet et plumes pour filtrer les rêves. Mais c’est parce que chaque enfant personnalise le sien en y accrochant des petits objets qui lui sont chers que l’objet aura plus tard, pour lui, valeur d’amulette.
Belle idée aussi, que le collier de cent boules de papier plié que les Japonais confectionnent en cent jours. Chaque jour, on ajoute une boule de papier dans laquelle on souffle une pensée.
La plupart des amulettes populaires, sans nom particulier, sont réalisées sur le principe d’une accumulation d’éléments naturels, comme par exemple des mèches de cheveux, et de signes tels les formules magiques, prières et autres souhaits de bonheur.
Il s’agit en quelque sorte de la transposition en objet d’une personnalité. Et dans le fond, quoi de plus précieux, quoi de plus magique que cette identité palpable ?

Les porte-bonheur sont des symboles de chance qui sont portés pour se protéger. Ils peuvent prendre la forme d’un objet, d’une personne, d’un animal, d’une action ou de quelque chose d’intangible. Fruit du hasard pour certains, que l’on mettra sur le compte du destin. Tandis qu’il s’agit du résultat d’une bataille pour d’autres. Cependant, ils ont tous pour vocation de protéger et de faire jouer la chance en sa faveur.

Ils sont comme un signe, et donc une réponse, face à un futur que l’on ne connaît pas. En effet, la nature humaine est telle que notre volonté de vouloir tout maîtriser et contrôler nous fragilise lorsque l’incertitude est présente. Et notre réponse devant l’aléatoire est de chercher à orienter le destin en notre faveur.

C’est ainsi que depuis la nuit des temps, l’individu s’est rassuré avec l’aide de figures porte-bonheur. Des symboles, trophées, amulettes ou autres petits trésors aux multiples visages et aux diverses histoires qui nous accompagnent encore aujourd’hui.